17/08/2010

King Air: plateforme ISR low-cost

Le bimoteur civil de Beechcraft connaît un regain d'intérêt de la part des armées en tant que plateforme de renseignement à bas coût.

MC-12W
La série des King Air, du King Air 200 au Super King Air 350ER, ont servi de base aux appareils de reconnaissance et de transport léger C-12 qui équipent les forces armées américaines depuis les années 70. En matière de renseignement, le King Air est connu sous le nom de Guardrail (RC-12), une plateforme SIGINT mise en œuvre dès la guerre du Vietnam et dont les versions les plus récentes sont toujours utilisées par l'US Army.

En 2005, les pertes causées par les IEDs en Irak étaient au cœur des préoccupations du Pentagone, donnant lieu à de multiples programmes de recherche qui aboutirent à la création de la Task Force ODIN. C'est au cours d'une de ces expérimentations, l'opération Horned Owl, que l'US Air Force a mis au point un prototype de C-12 modifié, embarquant un radar GPR (ground-penetrating radar) capable de détecter des IEDs enterrés et une caméra optronique/infrarouge Wescam 14.

Horned Owl
L'opération Horned Owl a démontré l'adéquation de l'appareil avec un système d'imagerie moderne, sa capacité à interagir efficacement avec des troupes au sol et son coût d'exploitation relativement peu élevé. Ces résultats ont rapidement intéressé d'autres unités, alors que la production en flux tendu de drones ISR peinait à satisfaire la demande des armées.

En 2008, l'US Air Force a lancé le programme MC-12W Liberty (RC-12) visant à intégrer à bord d'un King Air 350/350ER un système d'imagerie Wescam X-15i, des équipements de traitement de l'imagerie et des relais de communication SATCOM. Un certains nombre des 37 appareils commandés sont dotés de systèmes SIGINT, dont les caractéristiques sont classifiés.

Cette petite flotte connut un véritable succès auprès des forces opérant en Irak, attirant l'attention de l'US Army qui a obtenu que plusieurs MC-12W lui soient fournis. L'armée irakienne passa également commande de 24 appareils, équipés de radars SAR, de caméras MX-15 et de contre-mesures anti-missiles. La formation des pilotes irakiens fut assurée par des pilotes de l'US Air Force et de la Navy, dotés d'une longue expérience sur Guardrail.

Les Britanniques ont eux aussi développé leur plateforme de renseignement King Air avec l'appui des Américains. Là encore, chaque avion de la British Army emporte une caméra optronique et du matériel d'interception SIGINT.

Alors que cinq ans auparavant les King Air servaient de compléments au drones de reconnaissance, ils font aujourd'hui l'objet de développements spécifiques, avec des systèmes et des capteurs dédiés. L'US Army exploite sur ses RC-12 un système ISR de nouvelle génération baptisé eMARSS (Enhanced Medium Altitude Reconnaissance and Surveillance System) qui allie interception COMINT et imagerie vidéo afin d'affiner la détection et le suivi de cibles. Un programme de l'Air Force, baptisé Blue Devil, vise à fournir aux troupes au sol une localisation précise de l'ennemi basée sur la détection SIGINT et l'imagerie à large champ de type gigapixel. Enfin, la Task Force ODIN développe un capteur de détection chimique (Ursus) conçu pour repérer les explosifs des IEDs, sous la forme d'un pod emporté par un MC-12.

30/07/2010

Munitions guidées : plus petites, plus précises, moins chères

Ces dernières années ont vu se multiplier les programmes visant à développer des munitions d’artillerie guidées de précision, alliant réduction des dégâts collatéraux et baisse relative des coûts de production.



Les opérations américaines en Irak et en Afghanistan on été le point de départ d’un certain nombre de ces programmes ou ont marqué leur renouveau. Faisant face à un ennemi irrégulier retranché dans des secteurs urbains, les forces américaines ne disposaient pas d’un arsenal spécifique pour neutraliser un ennemi retranché dans un bâtiment ou une fortification de fortune, au milieu d’un quartier d’habitation.

23/07/2010

Une Amérique pas si secrète

Le Washington Post publie une enquête sur l'évolution de la communauté du renseignement US qui peine à étonner, tant par la nature des informations publiées que par l'analyse qui en est faite.

Signée par les éminents journalistes Dana Priest et William M. Arkin, l'enquête journalistique "Top Secret America" fait l'objet d'un mini-site dédié hébergé par le Washington Post, agrémenté de graphiques interactifs et d'une cinématique d'introduction. Réalisé au cours des deux dernières années, ce reportage vise à décrire les développements et l'expansion du renseignement américain depuis le 11 septembre 2001.

Les chiffres sont au centre du reportage Top Secret America, qu'il s'agisse du montant des contrats alloués à des compagnies privées, du nombre d'agences chargées d'une même mission ou du nombre de sous-traitants employés par une institution. Malgré cette pléthore de chiffres, la base de données ne recèle pas de grandes découvertes pour qui s'intéresse au renseignement US, étant fondée presque exclusivement sur des informations publiées lors des signatures de contrats sur des sites gouvernementaux ou sur ceux des sociétés concernées.

Si l'effort visant à créer un recensement exhaustif des sous-traitants du renseignement américain est louable, ce listing ne se suffit pas à lui-même, en l'absence d'une mise en contexte suffisante. L'argumentaire du reportage ne se révèle pas aussi complet que la base de données qui l'accompagne, reposant principalement sur quelques chiffres et affirmations choc.

"850 000 individus détenant une accréditation Top Secret"

Ce chiffre impressionnant est présenté dès la vidéo d'introduction et ne fait pas réellement l'objet d'explications. Il est tout d'abord à mettre en rapport avec l'effectif global de la communauté du renseignement, du gouvernement américain et des forces armées US, institutions qui font toutes usage plus ou moins régulièrement de documents classifiés. Les principales agences de renseignement américaines comptent environ 100 000 employés, le FBI plus de 30 000, le DHS regroupe plus de 200 000 effectifs au sein de plusieurs agences, les forces armées américaines comptent un total de 1.4 millions de personnels d'active. Plusieurs ministères américains ont également accès à des documents classifiés, notamment ceux de la justice, des finances, des affaires étrangères et de l'énergie. Le congrès et le sénat américain compte également un certain nombre de ces accréditations, au même titre que les administrations locales dans chacun des cinquante états. S'il est certain que tous les fonctionnaires de ces administrations ne disposent pas d'une accréditation Top Secret, il serait également inexact de laisser penser que ce passe-droit est désormais plus répandu dans le secteur privé qu'au sein du gouvernement fédéral.

L'augmentation des accréditations de niveau "top secret" n'est pas seulement liée à l'externalisation, mais également aux multiples effets de la surclassification. Les services de renseignement américains sont connus pour leur recours quasi-systématique à la classification, pour tous types de données. Les informations les plus sensibles ne sont plus les seules à recevoir le tampon Top Secret, mais également toutes les données connexes, des plus petits détails techniques, aux tâches administratives ou logistiques ayant un vague lien avec le recueil ou l'analyse du renseignement. Ce verrouillage généralisé nécessite donc de tous les acteurs de disposer des accréditations adéquates, obtenues après des vérifications poussées (screening), voire des entretiens et des enquêtes complémentaires. Il est également à noter que l'obtention d'une telle accréditation permet de consulter ponctuellement un document Top Secret si les circonstances l'exigent et non d'avoir un accès sans restriction à tous les documents de cet échelon.

Pour de nombreux contrats, y compris les moins sensibles, les agences exigent désormais des sous-traitants accrédités, afin d'éviter le moindre risque. Ceci renforce encore l'augmentation du nombre des autorisations et a donné naissance à des sociétés spécialisées dans le recrutement d'employés autorisés Top Secret.

"2 000 compagnies sous-traitant pour le renseignement"

Là encore, le chiffre est fourni sans beaucoup d'explications, l'enquête préférant s'attarder sur la multiplication des contrats et ce qu'elle considère comme une croissance sans fin de la communauté du renseignement, à travers l'externalisation. Pourtant, nombre de ces entreprises sous contrat ne prennent pas part au travail de renseignement, mais se voient déléguer des tâches de soutien, de maintenance ou de R&D.

Ce recours accru par les agences de renseignement à des sous-traitants privés est notamment lié aux baisses de crédits qui ont suivi la fin de la guerre froide. La CIA en particulier, a subi une véritable cure d'amaigrissement, les services jugés les moins utiles subissant des réductions de moyens, voire des fermetures, entraînant perte de compétences et retards technologiques. Peu après le 11 septembre, la CIA a du très rapidement remonter en puissance, recevant d'importants crédits à cet effet. L'agence entreprit alors d'externaliser une part de ses activités de soutien, parmi lesquelles l'intendance, la maintenance ou encore la sécurité, afin de concentrer le recrutement et la formation de ses employés à son cœur de métier: la collecte et l'analyse du renseignement.

Dans le même temps, la CIA a également signé de nombreux contrats de R&D et investi directement dans des compagnies spécialisées dans les NTIC et les technologies ISR, afin de rattraper son retard et de contrer la concurrence de la NSA. L'agence centrale avait également perdu du terrain en matière d'opérations clandestines et de renseignement humain, au point que ces activités se voyaient souvent accaparées par le SOCOM, qui bénéficiait du soutien de Donald Rumsfeld. Là encore, le secteur privé fut mis à contribution et la CIA eu recours au service de plusieurs SMP, notamment Blackwater, avec qui l'Agence mène encore des opérations en AfPak.

De la même manière, les autres agences de renseignement ont externalisé plusieurs secteurs de leur activité afin de réserver leurs effectifs au commandement et à l'analyse du renseignement. La logistique, le recueil et le traitement des informations les moins sensibles, la traduction et la R&D sont parmi les activités qui font l'objet d'une privatisation plus ou moins soutenue selon les services.

"Trop d'agences, trop d'informations"

Ces problématiques sont soulevées au cours du reportage, mais les auteurs ne semblent pas chercher à y apporter des réponses. Le monde du renseignement américain n'est pas exempt d'imperfections, de rivalités, de cloisonnements et de redondances, mais ces reproches assez classiques ne font pas l'objet d'un argumentaire solide dans Top Secret America.

Le nombre d'agences chargées du renseignement peut sembler élevé mais découle de réponses apportées en leur temps à des besoins spécifiques. Ces agences, créées pour la plupart après la seconde guerre mondiale, opèrent dans des champs d'action qui leur sont propres: renseignement extérieur (CIA), lutte contre les trafics (DEA, ATF), protection d'autorités (Secret Service), renseignement intérieur (DHS), renseignement militaire (DIA, MI), enquêtes criminelles et contre-espionnage (FBI, DoJ). D'autres agences ou sous-agences se concentrent chacune sur un type de renseignement précis, qu'il s'agisse d'imagerie (NRO), d'interceptions de communications (NSA), de renseignement géospatial (NGA), etc. Si les relations interagences sont parfois problématiques et si les opérations de plusieurs agences tendent parfois à se chevaucher, la fusion des services ne constitue pas toujours une solution viable.

La communauté du renseignement doit bien évidemment se réformer et progresser dans la coopération et le partage de l'information, mais la fusion ou l'intégration au sein d'une nouvelle chaîne hiérarchique entraîne une inévitable période d'inertie et des frictions internes qui ne peuvent être négligées. De plus, un gain d'efficacité n'est pas toujours garanti.

Enfin, Top Secret America n'échappe pas au cliché représentant des agences de renseignement submergées par des flots d'informations peu utiles qu'elles ne pourraient contrôler et qui les empêcheraient de réfléchir. Si les services de renseignement font face à une multiplication des flux d'informations à traiter, il ne leur est pas permis d'ignorer des sources d'information et ils sont contraints de se doter des technologies et des process adéquats à leur exploitation. Une évidence pointée par Clay Shirky: "It's not information overloard. It's filter failure."

22/05/2010

Détection souterraine next-gen

L'arrivée de nouveaux systèmes de détection et de surveillance souterraine suscitent un intérêt discret de la part des armées. Deux capteurs de nouvelle génération, l'un dédié à la détection d'installations souterraines, l'autre à la surveillance des mouvements en surface, sont en cours de développement et se révèlent novateurs.

Le Eagle 5-BH (TiaLinx Inc.) est un capteur radiofréquence contrôlé à distance, dont l'objet est la détection d'installations souterraines et le tracking de mouvements en profondeur. Compact et consommant peu d'énergie, il est spécialement conçu pour transmettre à distance les données qu'il recueille. Le Eagle 5-BH appartient à la catégorie des "unattended sensors", une gamme de capteurs particulièrement appréciée par les forces spéciales et les unités de renseignement, qui offre la possibilité de surveiller un secteur en dissimulant un ou plusieurs capteurs autonomes sur des périodes pouvant atteindre plusieurs mois. Ces systèmes permettent la détection d'intrusions en temps réel, ainsi que l'étude de passages récurrents (routines) sur un secteur donné, facilitant ainsi un travail de pattern analysis.


Une autre version du même capteur, le Eagle 5-S, peut être adaptée sur une plateforme aérienne, notamment des drones de petite taille.

L'entreprise de haute technologie TerraEchos travaille pour sa part sur un nouveau système de détection enfoui, basé sur la détection acoustique des mouvements en surface. Cette technologie de pointe, baptisée Ardelos, fait usage d'une fibre optique spéciale enfouie à 45cm de profondeur et de signaux de surveillance émis par laser, afin de détecter les plus infimes sons en surface. Le réseau de fibre optique est relié à de puissants serveurs informatiques qui analysent les modifications du signal lumineux lorsqu'il est atteint par les ondes sonores. Cette analyse complexe qui requiert une importante puissance de calcul permet de définir la nature précise et la localisation du son et des mouvements en surface.

Le système Ardelos trouve également des applications sous-marines, qui constituaient son objet principal au lancement du programme, mené en collaboration avec le NUWC (Naval Underwater Warfare Center) depuis les années 90. Déployé en mer, un réseau de capteurs Ardelos pourrait permettre l'analyse de mouvements sous-marins, voire de surface, dans le cadre d'une surveillance de secteurs maritimes stratégiques.

Sources: Tialinx, TerraEchos

28/04/2010

Parlementaires indiens sur écoute

Les services de renseignement indiens auraient placé sur écoute plusieurs responsables politiques du pays de 2007 et aujourd'hui.

C'est l'hebdomadaire indien Outlook qui a révélé l'affaire en rapportant qu'au moins deux ministres et deux parlementaires indiens ont vu leurs communications téléphoniques écoutées et enregistrées par des officiers de renseignement. Ces interceptions auraient concerné des conversations entre responsables politiques, toutes par téléphones mobiles.

Ces écoutes téléphoniques, qui semblent avoir été menées hors du cadre légal, ont été menées par le NTRO (National Technical Research Organisation) et ont concerné Sharad Pawar, le ministre indien de l'agriculture, Prakash Karat, le secrétaire générale du parti communiste indien (CPI), le parlementaire Digvijay Singh et le premier ministre de l'état du Bihar, Nitish Kumar. L'affaire, qui est déjà présentée par la presse indienne comme un véritable Watergate, a suscité la colère des parlementaires d'opposition au sein de l'assemblée.

Le NTRO a été créé en 2004 et assure des tâches de recueil et d'analyse du renseignement, principalement à partir d'imagerie aérienne et satellite, d'interceptions de communications et par la surveillance des réseaux. À l'instar de la NSA américaine, le NTRO est également spécialisé dans la cryptographie. Depuis le début de l'année, le NTRO fait l'objet d'une enquête gouvernementale sur l'ensemble de ses activités, dans le cadre d'un audit spécial.

Les informations fournies par la presse indienne semble indiquer que les officiers de renseignement du NTRO ont fait usage d'appareils portatifs permettant l'interception des signaux GSM entre le téléphone et l'antenne-relais (valises d'interception).

Sources: Outlook, Times of India 24/04, 25/04

27/04/2010

Des SAS équipés par un fond privé

Le Sunday Telegraph a révélé que des SAS britanniques ont fait appel à des donateurs privés afin de financer leurs équipements individuels.

Selon le journal, des militaires du 21 SAS, auraient sollicité des dons privés peu après leur déploiement en Afghanistan, afin d'acheter des gilets pare-balles, ainsi que des équipements individuels destinés à améliorer le quotidien des soldats dans les FOBs. Cette levée de fonds aurait permis de constituer au cours de l'année 2008 un fond d'urgence ayant atteint 400 000 livres (environ 460 000€).

La révélation de l'existence de ce fond a suscité de vives critiques au Royaume-Uni, tant sur le fait que les forces spéciales britanniques puissent souffrir d'un sous-équipement tel qu'il engendre des financements parallèles, que sur la mise en place d'une caisse noire échappant au contrôle parlementaire.

Le niveau d'équipement de l'armée britannique et notamment celui des SAS, est l'objet de sérieuses inquiétudes au sein de la communauté de défense, ayant même entraîné des démissions. Les critiques formulées concernaient notamment des blindages inadaptés sur certains véhicules, la vétusté de certains systèmes d'armes et le manque d'équipements personnels adaptés au théâtre d'opérations.

Il n'est pas rare que les forces spéciales aient recours à des financements spéciaux, sous la forme de fonds votés en prévision d'acquisitions exceptionnelles ou par des crédits d'urgence. Les opérateurs des forces spéciales n'hésitent pas non plus à acheter certains équipements de leurs propres deniers. Néanmoins, le recours à des dons privés à une telle échelle pour l'achat de matériels militaires serait exceptionnel.

Source: Telegraph

31/03/2010

Les agents du MI5 à la traîne des NTIC

Le directeur du MI5 reconnaît que ses employés ne se sont pas tous adaptés aux nouvelles technologies et que le service a entamé un plan de remplacement.

Entendu par la commission parlementaire britannique sur la sécurité et le renseignement, Jonathan Evans, le directeur général du MI5, a déclaré que certains agents parmi les plus âgés du service ne disposent même pas des compétences de base en informatique. Soucieux de la place centrale qu'occupent désormais l'informatique et internet dans le recueil, le traitement et l'analyse de l'information, l'agence du renseignement intérieur britannique a entrepris un plan sans précédent de remplacement de ses agents. Les officiers et analystes du renseignement les moins aptes à exploiter les technologies de l'information dans leur travail font tout simplement l'objet d'un licenciement.

Les anciens du MI5 qui n'ont pas réussi à tenir le rythme des évolutions technologiques se voient remplacés par de nouvelles recrues sélectionnées notamment pour leurs compétences en informatique. Ce plan de remplacement intervient dans un contexte d'augmentation globale des effectifs du MI5, qui ont crû de 40% entre 2006 et 2009, et devraient atteindre un total de 4 100 officiers en 2011.

Source: Daily Telegraph