17/02/2009

L'espace, cet univers impitoyable

Malgré la volonté affichée par la communauté internationale de conserver le domaine spatiale comme une zone neutre, l'espace demeure un univers impitoyable, qu'il s'agisse de la rigueur naturelle de cet environnement, des dangers inhérents à sa colonisation ou des technologiques offensives qui y sont mises en oeuvre.

Le nucléaire spatial

L'énergie nucléaire a été utilisée par les Etats-Unis et la Russie depuis les années 50, pour alimenter des satellites en énergie électrique. Deux technologies ont été employées à cet effet, le générateur thermoélectrique à radioisotope (RTG) et le réacteur nucléaire. Les USA ont placé en orbite au moins 41 générateurs RTG et un réacteur nucléaire, équipant 24 systèmes spatiaux. Les Russes auraient pour leur part mis en orbite au moins 35 systèmes équipés de réacteurs nucléaires et 2 satellites équipés de générateurs RTG.

Une analyse [PDF] rendue publique par la NASA en janvier, affirme qu'un satellite russe, Cosmos 1818, équipé d'un réacteur nucléaire TOPAZ et qui emploie un système de refroidissement à métal liquide, répandrait depuis juillet 2008 des débris possiblement radioactifs dans l'espace. Ce satellite de reconnaissance océanique (RORSAT) en orbite à 800km d'altitude perdrait une partie de son fluide de refroidissement (sodium-potassium), sous la forme de petites sphères métalliques, capables d'engendrer des dégâts importants sur d'autres satellites.

En 1978, un autre RORSAT russe en orbite basse (250 km d'altitude), Cosmos 954, avait quitté son orbite suite à une panne, retombant sur Terre. Le satellite et son réacteur nucléaire se sont désintégrés dans l'atmosphère, répandant des débris radioactifs au-dessus du Canada et donnant lieu à une opération américano-canadienne de récupération des débris, Operation Morning Light.

Morning Light fut un des premiers déploiement du très confidentiel NEST (Nuclear Emergency Support Team), une unité d'élite chargée de protéger les Etats-Unis contre les menaces nucléaires et radiologiques, dont l'histoire est relatée dans un récent ouvrage de Jeffrey T. Richelson.

L'encombrement orbital

L'encombrement généré par les satellites artificiels, actifs ou inactifs et par les débris spatiaux, représente une limitation à l'exploitation des orbites et une menace pour les satellites actifs.

En 2002, l'Agence Spatiale Européenne (ESA) estimait à 8700 les objets de plus de 10cm en orbite basse (LEO) et de plus de 1m en orbite géostationnaire (GEO), dont seulement 6% de satellites actifs, les 94% restants appartenant à la catégorie des débris spatiaux. Ces orbites seraient également occupées par 100 000 à 200 000 objets de plus d'un centimètre.

La vitesse moyenne des débris en orbite basse serait de 8 à 12 kilomètres/seconde, de quoi transformer n'importe quel boulon en projectile à la puissance cinétique destructrice.

La menace d'un satellite inactif ou de tout autre débris en orbite entrant en collision avec un autre satellite, aurait pour conséquence, au-delà des dégâts opérationnels et commerciaux, de répandre de nouveaux débris issus de la collision, renforçant ainsi la menace sur les autres systèmes à proximité.

En 1996, le satellite de reconnaissance français Cerise, chargé d'interceptions COMINT sur les ondes HF, fit les frais d'une collision avec un débris issu de la fusée Ariane, le rendant définitivement inopérant.

Le 10 février 2009, le satellite commercial de communication Iridium 33, alors opérationnel, est entré en collision avec un satellite militaire russe, Cosmos 2251, qui n'était plus actif. Cette collision s'est produite en orbite basse à 790km d'altitude, alors que les deux satellites se trouvaient au-dessus de la Sibérie.

Le nombre exact de débris issus de la collision est pour l'instant inconnu, mais serait au moins de plusieurs centaines.

Les technologies offensives

La plupart des puissances spatiales s'opposent à la militarisation de l'espace, une conviction affirmée par les principes du traité de 1967 sur les activités de l'espace extra-atmosphérique. Toutefois, bien qu'aucun pays ne dispose officiellement d'armement déployé dans l'espace, plusieurs états développent des technologies offensives visant à la dégradation ou à la destruction des systèmes spatiaux.

En 2006, les Etats-Unis ont révélé que la Chine developpe un programme visant à aveugler des satellites d'observations à l'aide de lasers haute puissance basés sur Terre. La Chine aurait même effectué un test contre un satellite américain.

En janvier 2007, la Chine a détruit un de ses anciens satellites par un tir de missile depuis la terre. Cette destruction fut critiquée pour le risque de dispersion des débris, mais ne constituait pas une première, puisque des tests similaires ont été effectués dans les années 80 par les USA et l'URSS.

En février 2008, les Etats-Unis ont détruit un de leurs satellites espions en perdition, USA 193, alors qu'il avait quitté son orbite initiale et se trouvait à 250km au-dessus du pacifique. Le satellite fut atteint par un missile SM-3 tiré depuis un croiseur Aegis américain de classe Ticonderoga, l'USS Lake Erie.

Les USA testent actuellement une technologie de micro-satellites autonomes (MiTex) capables d'inspecter d'autres satellites. Ce programme largement classifié initié par le DARPA en 2005, a débuté par la mise en orbite en 2006 de deux micro-satellites dotés de capteurs permettant l'inspection physique d'autres satellites. Les deux systèmes MiTex ont d'abord effectués plusieurs tests, en s'inspectant l'un-l'autre en orbite géostationnaire. Ils auraient ensuite été redirigés vers un satellite américain victime d'un dysfonctionnement pour l'inspecter.

Ces micro-satellites pourraient ouvrir la voie à de véritables drones spatiaux, capables de s'arrimer à d'autres satellites pour effectuer des diagnostics, mais également des opérations offensives, telles que des interceptions de signaux, des brouillages, voire des sabotages.

Bien que l'Europe continue à s'opposer à la militarisation de l'espace, par la création d'un nouveau "code de conduite", d'autres puissances telles que la Chine poursuivent le développement de leurs programmes offensifs.
Les Etats-Unis maintiennent une position ambiguë, incitant leurs partenaires à une posture de neutralité, mais conservant l'ambition d'une domination militaire de l'espace.

Autres sources: Gary L. Bennet - Space Nuclear Power: Opening the Final Frontier [PDF], ESA Bulletin 109 - 02/2002 [PDF],

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