Dans
les relations presse du Ministère de la Défense, les blogs sont
rarement traités au même niveau que les autres médias. Par
exemple, rares sont les blogueurs à être conviés aux points de
presse du ministère au même titre que les journalistes, ou à être
accrédités pour participer aux visites de régiments. Il
n'est pas non plus toujours simple pour les blogueurs d'obtenir des
informations auprès de l'institution militaire qui ne les considère
pas tous comme des interlocuteurs médiatiques à part entière.
Néanmoins,
les fonctionnaires du ministère de la Défense consultent
régulièrement les blogs traitant des questions de défense et c'est
particulièrement le cas des personnels de la DICOD (Délégation à
l'information et à la communication de la défense) qui sont chargés
de la stratégie de communication du ministère.
Cet
intérêt du ministère de la Défense pour les blogs, rarement
exprimé de façon formelle, semble pourtant bien réel puisqu'ils
font l'objet d'une veille particulièrement exhaustive de la part de
la DICOD et de la DAS (Délégation aux Affaires Stratégiques), qui
souhaitent apparemment n'en manquer aucun article. C'est ce
qu'illustre un récent appel d'offre intitulé « fourniture
d'une veille pluri-médias au profit du ministère de la défense »
incluant une « veille internet médias et hors médias ».
Ainsi, les blogs et autres sites web qui traitent de sujets de
défense feraient l'objet de la même attention de la part du
ministère que les grands titres de la presse francophone et
internationale.
Dans
le cadre de cet appel d'offre, le prestataire devra fournir à la
DICOD et à la DAS un service complet de veille média, permettant de
créer des alertes personnalisées sur différents sujets, d'imprimer
ou d'exporter les articles de la presse et des blogs sous différents
formats (XLS, CSV, PDF...) et même de créer des newsletters
thématiques. La question des droits d'auteurs est rapidement évoquée
dans l'appel d'offres qui mentionne que « Le titulaire garantit
le ministère de la défense contre tout recours ou action que
pourrait intenter toute personne estimant avoir des droits à faire
valoir sur tout ou partie des prestations réalisées ». On
imagine toutefois mal que chaque auteur ou blogueur soit réellement
consulté avant que son travail ne soit reproduit dans une note du
ministère, imprimé ou diffusé...
Un
coup d’œil sur les mots-clés que la DICOD souhaite voir
surveiller nous en apprend un peu plus sur les thèmes qui tiennent à
cœur au ministère, et c'est sans surprise qu'on y retrouve les noms
de hauts-fonctionnaires et d'officiers, des principaux régiments des
armées et des grands programmes de l'industrie de défense. On
notera également que quelques mots-clés se rapportent à la
communication de crise comme « Crash Avion Militaire » ou
à des questions médiatiquement sensibles pour le ministère, comme
« Louvois », « Bizutage », « Irradiés
de Brest » ou « Affaire Karachi ». Du côté de la
DAS, on notera un intérêt particulier pour les ressources
naturelles et les minerais stratégiques.
Pour
connaître la liste des blogs et des sites web (p.16 à 28) qui font
l'objet d'une veille par la DICoD et la DAS, ainsi que les mots-clés
surveillés, Zone d'Intérêt a édité un condensé des pages utiles
de l'appel d'offre, partagé ici. C'est ainsi l'occasion de savoir si son blog est
déjà lu par le ministère de la Défense, mais aussi de compléter
sa propre veille.
Source : Marché public 153102003707501 (DICOD / Ministère de la Défense)
Cher Zd'I,
RépondreSupprimerMon commentaire est classé anonyme parce que je n'ai pas retrouvé mes mots de passe (je viens de retrouver celui de Mediapart...) mais je signe de mon nom en fin de texte. Le ministère de la défense est parfaitement transparent dans cet appel d'offres sur les veilles et revues de presse, et vous me donnez l'occasion de préciser quelques points importants.
D'abord en ce qui concerne les rapports entre la DICOD et les blogueurs, ils sont confiants et même cordiaux pour beaucoup d'entre eux, d'abord les journalistes. mais j'entretiens personnellement des échanges fréquents avec certains blogueurs qui sont aussi militaires, étudiants, chercheurs, et en particulier les points de presse et dossiers de la DICOD (qui sont désormais en ligne pour la plupart) sont accessibles aux blogueurs qui en font la demande. J'en connais au moins deux qui ont fait des stages au ministère, et deux autres qui ont fait l'IHEDN. Quant aux voyages de presse, si les moyens budgétaires limités nous empêchent d'en faire davantage et ouverts à plus de participants, il me semble que le dernier organisé au Mali avait emmené deux ou trois blogueurs. Nombre de blogueurs pourront vous dire que mon bureau est accueillant, la machine à café fonctionne et que le point de presse se tient tous les jeudis à 11 h rue Saint-Dominique, il suffit de s'accréditer avant à la DICOD.
Sur les droits de reproduction, ils sont strictement codifiés par le CFC (Centre Français d'exploitation du droit de Copie) auquel nous payons une redevance, tout en limitant la diffusion papier et surtout électronique de nos revues de presse.
Sans vouloir être plus long (heureusement qu'on n'est pas limités à 140 caractères...), vous ne mentionnez pas une nouvelle dimension où tous les acteurs de la blogosphère sont présents, Twitter. Nombre de blogueurs tweetent leurs posts pour nous les signaler, de même que la DICOD tweete ses communiqués pour qu'ils soient accessibles à tous, au-delà de la diffusion traditionnelle à la presse. C'est une nouvelle façon d'échanger, de même que les mots-clés mentionnés dans les listes ci-dessus ne sont qu'une version plus ancienne des hashtag que nous utilisons tous.
J'arrête sinon on dira encore que la Grande Muette est trop bavarde, mais je reste à votre disposition pour poursuivre l'échange. Cordialement,
Pierre Bayle
Directeur de la DICOD, porte-parole du ministère de la défense
Les relations entre le ministère de la défense et les blogueurs semblent en effet avoir fait quelques progrès au cours des dernières années. Néanmoins, je ne suis pas sûr que l'accès à l'information soit aussi simple pour l'ensemble des blogueurs que pour les grands médias, ou que pour les journalistes qui tiennent des blogs adossés à des journaux. Ce sont généralement ces médias, et ces quelques blogs qui reçoivent la primeur des informations, des invitations et des réactions de la part de l'institution militaire.
SupprimerOn peut d'ailleurs noter dans l'appel d'offre que seuls 8 blogs, tous tenus par des journalistes professionnels et dont 6 sont adossés à un groupe de presse, se retrouvent dans une catégorie « publications » au même titre que les quotidiens nationaux et la PQR, alors que des bien d'autres blogs qui traitent de sujets de défense sont rangés dans une catégorie de « sites et blogs à veiller » au milieu d'une quantité d'autres sites généralistes.
En ce qui concerne les droits de reproduction, le respect des règles du CFC et le versement d'une redevance par la DICOD sont tout à fait louables. Malheureusement, cela semble peu concerner les blogueurs, puisque seuls les éditeurs de presse ont confié la gestion de leurs droits numériques au CFC. Le CFC rappelle le cadre légal : « toute organisation doit solliciter l’autorisation de l’éditeur de chaque œuvre utilisée pour en diffuser légalement des extraits en interne, sous format numérique ». Les blogueurs adossés à un journal bénéficient donc peut-être de cette redevance, mais pas les blogueurs indépendants qui sont majoritaires. D'autre part la DICOD devra toujours contacter en amont les éditeurs et blogueurs qui n'ont pas confiés leurs droits au CFC.
Twitter est en effet une plate-forme importante et la veille média est également une pratique tout à fait respectable, tout comme les alertes par mots-clés. Il reste encore une importante marge de progression dans les échanges entre les blogueurs et les institutions, en particulier en ce qui concerne l'accès à l'information. Si la DICOD lit les blogs, elle réserve en général ses réactions et ses droits de réponses à la presse, où à quelques blogs autorisés, ce qui est également le cas sur Twitter. Rares sont les commentaires provenant de la DICOD sur les blogs, et je salue d'ailleurs votre effort.
En ce qui concerne certains sujets de défense, et je pense plus particulièrement aux questions de renseignement, le ministère de la défense se distingue surtout par une absence de communication. Il est très difficile d'obtenir des informations sur ces sujets qui pourtant intéressent les Français, et la période récente a été particulièrement riche dans ce domaine, du rapport Urvoas au vote de la LPM, sans oublier les révélations d'Edward Snowden. Pourtant, le ministère de la défense a très peu réagi sur ces questions et les blogueurs semblent avoir été largement ignorés en la matière. Évidemment, le secret de la défense nationale doit être respecté, mais il existe tout de même un vaste espace propice à l'information et au débat sur ces questions, que le MinDef ne semble pas vouloir exploiter.
Merci pour votre commentaire et pour votre ouverture au débat.
Guillaume G. - Zone d'Intérêt