17/11/2011

Operation Ghost Stories, 10 ans de contre-espionnage

Le FBI a récemment rendu public de nouveaux détails sur l’investigation qui a mené à l’arrestation de 10 agents des services de renseignement russes en 2010. Cette enquête a été menée par la division contre-espionnage (Counterintelligence Division) rattachée à la National Security Branch du FBI, service qui a en charge les questions de sûreté nationale et la collecte du renseignement.



Pendant plus de dix ans, les équipes du FBI ont suivi plusieurs suspects d’origine russe, qui utilisaient pour la plupart de fausses identités américaines et canadiennes. Cette dizaine d’agents liés au SVR, le service de renseignement extérieur russe, occupaient de véritables emplois dans les secteurs de la finance, du commerce et de l’immobilier, afin de renforcer leurs couvertures.


Ces agents russes avaient pour mission d’infiltrer des milieux de pouvoir afin de collecter des rumeurs d’ordre politique, ainsi que des informations personnelles sur des personnalités américaines influentes. La plupart des agents russes arrêtés par le FBI occupaient des fonctions de relais et d’appui logistique au sein du réseau d’espionnage implanté par le SVR sur le territoire américain. Le plus célèbre de ces espions, Anna Chapman (née Anna Vasillievna Kouchtchenko), avait pour mission de s’introduire dans les milieux d’affaires américains, notamment par le biais de ses charmes, afin d’obtenir des informations.



Les agents russes communiquaient entre eux par des rencontres dans des lieux publics, des échanges discrets (brush pass) et par des systèmes de caches (dead drops). Lors de leurs rencontres, d’apparence anodines, les agents transportaient leurs ordinateurs portables personnels, équipés de programmes développés par le SVR et qui avaient pour rôle d’établir une connexion cryptée avec tout ordinateur à proximité et équipé du même programme. Ce système a permis aux agents d’échanger des documents et des communications, de manière discrète et sécurisée, sans aucun contact visible.

Dead Drop


Si l’enquête du FBI a été menée de manière très professionnelle, la chute du réseau russe a été favorisée par un certain amateurisme de la part des agents sous couverture. Plusieurs de leurs rencontres se sont révélées assez peu discrètes, facilitant le travail de collecte de preuves lors des opérations de surveillance et des filatures menées par les enquêteurs du FBI. De même, le système informatique permettant le transfert discret de fichiers d’un ordinateur portable à un autre via WiFi a connu plusieurs problèmes techniques, ce qui a permis au FBI de s’approprier par la ruse l’un de ces terminaux. Ayant appris, grâce à des interceptions de communications, que le programme de transfert du SVR connaissait des ratées, un agent du FBI s’est présenté à Anna Chapman en se faisant passer pour un agent du SVR, lui demandant de lui remettre son ordinateur personnel afin de corriger le problème. Anna Chapman n’ayant pas perçu la supercherie, elle remit de son plein gré son ordinateur à l’agent du FBI, un acte qui a mené à son arrestation quelques semaines plus tard.

Les longs mois de surveillance, de filature et de collecte de preuves par les équipes de contre-espionnage du FBI ont permis l’arrestation et le procès de dix suspects, majoritairement d’origine russe. Les informations collectées par le réseau russe n’étant pas classifiées, les dix agents présumés n’ont pas été poursuivis pour espionnage mais pour avoir agi sur le territoire en tant qu’agents non-déclarés d’un gouvernement étranger.

Christopher Metsos

Un autre membre du réseau, Pavel Kapoustine, connu sous l’alias de Christopher Metsos, a pour sa part réussi à quitter le territoire américain avant son procès, dans le cadre de sa libération sous caution.

Les poursuites contre le réseau russe ont mené à un accord d’échange de prisonniers entre la Russie et les États-Unis, échange qui a eu lieu à l’aéroport de Vienne (Autriche) en juillet 2010. Les dix agents russes ont été échangés contre quatre citoyens russes, détenus en Russie après avoir été reconnus coupables de collaboration avec les services de renseignement américains et britanniques dans les années 90.

Échange de prisonniers (Vienne, juillet 2010)
L’opération dirigée par le FBI porte bien son nom puisqu’elle a été menée dans un contexte où, après les attentats du 11 septembre 2001, la menace d’espions russes agissant sur le territoire américain n’était plus considérée comme prioritaire et reléguée le plus souvent au rang « d’histoires de fantômes ». Depuis la fin des années 90, la vieille garde du contre-espionnage américain avait le plus grand mal à se faire entendre concernant le risque posé par les services de renseignement étrangers, l’attention du gouvernement américain s’étant reportée sur la menace du terrorisme islamiste. La diffusion au début du mois de nouveaux détails sur l’opération Ghost Stories vient confirmer la pertinence de la Stratégie nationale de contre-espionnage (Counterintelligence National Strategy) élaborée par le FBI, dont des mises-à-jour classifiées sont présentées régulièrement au gouvernement américain.

Sources: Washington Post, Danger Room, FBI

Première publication de cette chronique sur AGS (alliancegeostrategique.org) le 17 novembre 2011

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