La France et les États-Unis ont signé un accord de coopération en matière de surveillance spatiale, dont le contenu peu explicite pourrait receler une teneur stratégique.
En février dernier, Alain Juppé, alors ministre de la Défense, a été reçu à Washington par Robert Gates pour signer un accord de coopération dans le domaine de la surveillance spatiale (space situational awareness). Cette signature qui s'est tenue au Pentagone, après une cérémonie d'accueil officielle, a reçu très peu de publicité et n'a fait l'objet que de très peu d'explications de la part des deux parties. Le contenu de l'accord n'a pas été rendu public et il est à noter que les communiqués de presse officiels français et américains ne concordent pas totalement.
Le communiqué américain cite le secrétaire à la Défense Robert Gates, qui a insisté sur l'importance de la surveillance spatiale, pointant la multiplication des objets placés en orbite, faisant référence aux satellites et aux missions spatiales habitées. Robert Gates a ajouté que cet accord permettra d'éviter des situations malencontreuses en favorisant la coopération et le partage d'informations. Le communiqué français rapporte pour sa part la signature d'un accord pour la surveillance des débris spatiaux, sans faire référence à la surveillance d'autres objets, notamment de satellites ou de véhicules spatiaux. Cette communication laconique ne détaille donc pas la nature de ce qui a été négocié par chacune des parties, ni les moyens techniques se rapportant à cette surveillance. Il est toutefois probable que cet accord soit lié à la capacité de surveillance spatiale développée par la France dans le cadre du programme GRAVES.
Le radar GRAVES (Grand Réseau Adapté à la VEille Spatiale), est un radar à balayage électronique VHF (détection Doppler), capable de détecter des objets évoluant en orbite basse (LEO), tels que des satellites de reconnaissance ou de communication. Opérationnel depuis 2004, son rayon de détection couvre officiellement le territoire français, mais pourrait s'étendre au-delà (Europe de l'Ouest). La station d'émission du radar est située sur la base de Broyes-les-Pesmes et la station de réception radar est située à Revest-du-Bion. Les serveurs de calcul orbitographique sont pour leur part hébergés sur le site de Balard (CDAOA). Les détections du radar GRAVES peuvent être affinées et précisées par d'autres capteurs, tels que de puissants télescopes ou d'autres radars spécifiques. Plusieurs groupes de radioamateurs ont déterminé que le radar GRAVES émet sur la fréquence 143.050Mhz et enregistrent ponctuellement les échos renvoyés par des objets de grande taille.
Ce radar permet de repérer des satellites orbitant dans sa zone de détection, y compris des satellites de petite taille et de déterminer avec précision leur orbite, mais également de détecter toute manœuvre d'un objet (changement d'orbite), ou sa disparition. De telles informations sont d'intérêt stratégique, en particulier du fait qu'un tel radar peut détecter des satellites militaires dont les mise en orbites sont censées rester secrètes. Les puissances spatiales telles que les États-Unis, la Russie et la Chine procèdent à de tels lancements "secrets". Les Américains ont à plusieurs reprises révélé les caractéristiques et les orbites de satellites militaires étrangers, par l'intermédiaire de la NASA.
Grâce au système GRAVES, la France est en mesure de révéler des détails sur des satellites stratégiques américains et possède ainsi un moyen de pression vis-à-vis des États-Unis pour protéger ses propres intérêts dans le domaine spatial. La France est également en mesure de repérer avec précision les activités satellitaires de puissances étrangères et d'opérateurs commerciaux, autant d'informations susceptibles d'intéresser son allié américain.
Sources: DoD, MinDef
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