07/11/2012

Avions russes à Djibouti, l'ours dans la bergerie ?

La Russie a émis une demande officielle auprès de l'Elysée afin de stationner deux avions de reconnaissance sur la base aérienne française de Djibouti, au cœur d'une zone d'opérations française, mais également américaine.

Camp Lemonnier, Djibouti

C'est à l'issue du conseil des ministres du 31 octobre que le Président Hollande et le ministre de la Défense Le Drian se sont entretenus avec Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères et Anatoli Serdioukov, ministre russe de la Défense, dans le cadre d'un 
« conseil de coopération Franco-Russe sur les questions de sécurité ». Au cours de cet entretien, le ministre Serdioukov a notamment confirmé que les fonds prévus pour l'achat de deux bâtiments Mistral ont été ajoutés au budget de défense russe pour 2013, rapprochant les partenaires russe (Rosoboronexport) et français (DCNS) d'un contrat final estimé à 1,1 milliard d'euros. Toujours dans le cadre de ce conseil, le ministre Serdioukov en a profité pour formuler une requête peu commune, en demandant à la France d'accueillir sur sa base aérienne de Djibouti (BA 188) deux avions de reconnaissance maritime à longue portée Iliouchine Il-38.

La Russie justifie l'envoi de ces deux appareils en tant qu'appui à ses opérations de lutte contre la piraterie dans le Golfe d'Aden et au large de la Somalie. La marine russe mène en effet des missions contre les pirates depuis 2010 et a annoncé au début du mois de novembre 2012 l'envoi sur zone d'une Task Force de sa flotte du Pacifique, menée par le destroyer de classe Udaloy Maréchal Chapochnikov (BPK 543). Les IL-38 russes sont dotés de caméras infrarouges stabilisées et de radars haute-résolution avec des capacités avancées de suivi de cibles, permettant la détection de petites cibles aériennes et de surface, autant de capteurs qui apparaissent adaptés à la détection des embarcations rapides des pirates.

En plus d'être l'hôte de forces françaises et de la BA 188, Djibouti est également depuis plusieurs années l'hôte de forces américaines stationnées sur la base de Camp Lemonnier. Cette base américaine a connu une hausse très substantielle de son niveau d'activité depuis 2010, comme le signale la construction de nouveaux bâtiments et hangars. Les installations du Camp Lemonnier sont en particulier exploitées par les forces spéciales américaines (JSOC) et la CIA, dans le cadre d'opérations antiterroristes en Afrique et dans le Golfe. Depuis 2002, cette base a accueilli un nombre croissant de drones, armés ou non, qui auraient servi au Yémen, en Afrique subsaharienne, en Libye et dans le Golfe d'Aden.

La BA 188 française et le Camp Lemonnier américain sont deux complexes contigus situés sur l'aéroport de Djibouti. Ainsi, les appareils russes IL-38 seraient amenés, s'ils étaient accueilli par les forces françaises, à évoluer à quelques centaines de mètres des installations américaines, ainsi que des drones utilisés par la CIA et le JSOC. Les radars de précision qu'emportent les Iliouchine 38 pourraient leur permettre de suivre les rotations des drones américains, ainsi que des avions espions déployés depuis le Camp Lemonnier. À ces radars s'ajoutent des équipements de guerre électronique et d'interception, qui, embarqués dans les IL-38 permettraient une surveillance des transmissions dans la zone, tant depuis les airs qu'au sol. Bien que la majorité des transmissions des forces françaises et américaines soient cryptées, l'accueil par la France de deux avions-espions russes bardés de systèmes électroniques de pointe à proximité directe d'une base abritant des activités de la CIA et du JSOC constituerait une singularité peut-être peu appréciée par l'allié américain.

Sources: RIA Novosti, UPI
Remote US base at core of secret operations, Washington Post, 26 octobre 2012

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